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Bouge It
18 mai 2015

Vers une société de la surveillance ?

Savons-nous vraiment en France ce que nous voulons ? A la suite des attentats de janvier, les voix furent légion pour réclamer des mesures fortes permettant d’anticiper et de traiter les menaces terroristes. La question était effectivement de répondre à cette exigence légitime d’amélioration du dispositif actuel sans tomber dans le piège de la loi opportuniste exploitant le choc traumatique. Bref, le pire aurait été de voter une loi d’exception nous rapprochant de l’esprit du Patriot Act de l’administration Bush. De ce point de vue, le texte actuel s’inscrit dans un long travail sur le renseignement mené par Jean-Jacques Urvoas, le président de la commission des lois, et jalonné par plusieurs rapports sur ces questions. Ce n’est donc pas un projet hâtif, dicté par les circonstances. Il est également vrai que la démarche actuelle introduit un cadre juridique dans un monde (celui des « Services ») dont une part de l’activité se situe dans l’illégalité, ou tout au moins le flou (la « zone grise » évoquée par Manuel Valls). A cet égard aussi, le projet de loi est clairement un progrès. L’argument consistant à affirmer qu’il se produirait une régression des libertés individuelles parce que l’illicite entrerait dans le corset du droit est absurde. Par définition, des actions clandestines ne peuvent pas être contrôlées et éventuellement sanctionnées. Il faut attendre des scandales pour mettre un terme à certains abus… jusqu’à la prochaine fois. Le principe du « pas vu, pas pris » sied mal à une démocratie et à un Etat de droit. Parallèlement, il faut assumer juridiquement les exceptions à la philosophie sociale libérale : dans des cas extrêmement spécifiques et sévèrement limités, afin de garantir de surcroît le respect de nos droits, de manière non contestable. Les « services » y gagneront par ailleurs en légitimité et rigueur. Combien de fois doivent-ils aujourd’hui ruser avec un appareil public peu réceptif à leurs besoins et contraintes, parfois un brin méprisant, et finalement payer le prix en image de ce qu’ils doivent faire sans l’assumer ? Il faut en finir avec cette habitude trop facile d’en faire des boucs émissaires. Prenons deux exemples : la géolocalisation de véhicules à l’aide de balises ou la pose de micros dans un appartement sont sans doute effectivement nécessaires dans le cadre de la lutte antiterroriste. Les professionnels du renseignement ne doivent plus se contorsionner pour parvenir à exécuter ce type de mesures nécessaires pour identifier un terroriste ou une action en préparation. Quant à la surveillance de masse, une bonne connaissance de notre appareil de sécurité permet d’en mesurer le caractère improbable : les IMSI-catchers servant à localiser les téléphones et éventuellement à écouter les conversations ne vont pas pulluler dans les « services ». Leur usage sera donc mécaniquement réservé à celui qu’on leur destine. De même pour l’algorithme d’analyse du trafic sur les réseaux des fournisseurs d’accès à Internet : c’est un système de veille qui sélectionnera des suspicions entrant ensuite dans la procédure d’autorisation. En cas de dérapage, les sanctions devront être en revanche exemplaires. Affirmons-le clairement : le renseignement n’est pas une réalité méprisable. Hélas, nous ne disposons guère en France des organismes permettant de diffuser décisivement une culture de sécurité et de renseignement. Or, les services spécialisés doivent disposer de la reconnaissance et des moyens indispensables pour travailler. La seule question qui importe vraiment, mais elle est déterminante, c’est celle des garanties qui convaincront nos concitoyens que ce système ne peut pas être dévoyé, c’est-à-dire appliqué à d’autres sujets que l’antiterrorisme ou la préservation de nos intérêts fondamentaux en matière technologique et économique. Dans cet ordre d’idées, le dialogue entre Jacques Toubon, le défenseur des droits, et les parlementaires montre l’exemple d’une discussion ferme mais productive : le questionnement sur les limites de la procédure d’urgence, la présence de membres permanents au sein de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), la crédibilité du contrôle a posteriori de la commission par le Conseil d’Etat, la protection des magistrats, des avocats et des journalistes, constituent des questions-clefs que le législateur doit impérativement prendre en compte pour que le texte soit à la fois efficace et légitime.

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